dimanche 9 mai 2010

La comtesse - critique -

Voici l'histoire d'Elizabeth Bathory, feue la femme la plus puissante de Hongrie au XVIIeme siècle. Le clan Bathory était en effet craint par tous, et jouissait d'une réputation jusqu'allant même exercer une influence chez le roi même. Mais le mari meurt d'une maladie. Elizabeth ,en plein veuvage, continue donc de bâtir seule son pouvoir, et provoque la jalousie de certains. Au cours d'un bal, Elizabeth fait la connaissance d'un beau jeune homme qui tombe éperdument amoureux d'elle. Une relation intense commence, mais le garçon la quitte sans lui laisser de nouvelles. Elizabeth sombre alors dans la folie, et est persuadée qu'il l'a quittée à cause de son âge. Elle décide donc de tuer des vierges pour baigner dans leur sang, et retrouver ainsi sa jeunesse d'autrefois...
Julie Delpy fait partie de ces graines rares. Elle est une femme qui ne manque jamais d'ambition pour ce qui est d'imposer son style au cinéma. Avec La comtesse, où elle y figure en tant que réalisatrice et en tant qu'actrice principale, c'est peut-être le reflet de sa propre histoire qu'elle souhaite transposer, métaphore d'un succès montant et grandissant. Le travail accompli a de quoi réellement impressionner. Se basant sur des centaines et des centaines de rumeurs qui couraient au sujet de la fameuse Elizabeth Bathory, sur des archives prouvant sa culpabilité (ou non, cela reste un mystère), sur les moeurs de l'époque et leurs tenues vestimentaires... Delpy montre ses dents et déploie tout son savoir-faire pour représenter au mieux la réalité d'une époque passée. Jouant beaucoup sur les couleurs, elle apporte ainsi une poésie des plus diaboliques où le seul réel coupable tient de la complexité même de l'homme.
En racontant l'histoire d'une femme du point de vue d'une femme, La comtesse en ressort plus mature. Évitant les débordements trash liés aux supposées tortures que Bathory accomplissait sur ses victimes, Delpy préfère s'attacher à montrer la psychologie de son personnage et son basculement progressif vers la folie, ce qui en soi est d'autant plus terrifiant. Le jeu réalisé par Delpy propose une palette d'expressions qui relèvent à la fois de l'ambiguïté et de la conviction. Le spectateur n'est ainsi pas là pour se faire le juge de ses actes, mais plutôt pour se faire le jury impartial qui regarde et essaie de comprendre (certaines scènes ne manqueront d'ailleurs pas de l'interloquer). La violence, ici, n'est pas gratuite ou incertaine. Elle est le pur produit d'un état intentionnel, que ce soit celui de la haine que les hommes se vouent l'un l'autre, ou que ce soit celui de son exact opposé qui est l'amour. Le message de Delpy est-il d'admettre que l'amour mène donc à la haine ? Pour Bathory, il est l'unique recours à la consolation de ses désirs inavoués. Elle reporte sa frustration sur ses victimes et ne se sent puissante que lorsqu'elle se regarde dans le miroir pour voir ses rides s'effacer, narcissisme destructeur et diablement alimenté par des procédés monstrueux. Et l'intensité avec laquelle Delpy se met en scène est bouleversante. Sa caméra, à la fois froide et fiévreuse, oppose constamment le double visage de Bathory, qui entretient une relation avec son miroir comme le fait la reine dans Blanche-Neige.
Ainsi, La comtesse propose une réflexion intéressante sur la véracité des faits historiques. À mi-chemin entre l'aliénation et la sympathie d'une femme trop puissante pour son époque, Delpy tente dans cette fable gothique de démontrer avec Bathory comment l'amour peut amener à sa propre perte. Et ce n'est pas très beau à voir...

Aucun commentaire: