lundi 27 juillet 2009

La Dame à la Licorne de Tracy Chevalier - critique -

Désireux d'orner les murs de sa nouvelle demeure parisienne, le noble Jean Le Viste commande une série de six tapisseries à Nicolas des Innocents, miniaturiste renommé à la cour du roi de France, Charles VIII. L'artiste accepte et s'éprend de l'une des filles de Jean Le Viste, Claude, qui l'entraînera dans le labyrinthe de relations délicates.
Une plongée dans le Paris du XVe siècle. Tracy Chevalier imagine l'histoire des six célèbres tapisseries de La Dame à la Licorne (exposées au musée national du Moyen-Âge dans le Ve arrondissement de Paris). Ces tapisseries, à l'aura quelque peu magique, dégagent beaucoup de coloris et une sensation de repos en les visionnant. Tout comme le livre d'ailleurs et la manière de Chevalier de créer une fiction comme elle aurait pu être la véritable histoire. Perturbé au départ par le choix de Chevalier d'avoir intégré une kyrielle de narrateurs pour raconter, le lecteur est pris au jeu au bout de quelques pages. Toute l'originalité de l'oeuvre repose en effet dans le fait d'avoir voulu mettre en scène cette romance à travers les yeux de plusieurs personnages qui y jouent un rôle bien précis. Cela nous permet de nous mettre dans leur intimité, leurs pensées que personne d'autre ne peut entendre, et ce n'est avec aucun mal que l'on passe d'un personnage à l'autre. Nous sommes donc parfois amenés à revivre une même scenette mais à travers deux points de vue différents. De plus, chaque personnage a sa propre singularité. C'est décidément un véritable talent chez elle : ce pouvoir qu'elle a de tisser un lien entre ses personnages et nous, nous donnant ainsi presque l'impression de vouloir intervenir dans leurs affaires. Elle illumine une fois de plus, comme une marque de fabrique, son roman par un couple qui s'oppose : la noble Claude et l'artiste Nicolas. Amoureux mais ne pouvant défier le protocole, le roman vire parfois à la tragédie, entre compassion pour les gentils et haine envers les méchants. Les plus jeunes paraissent impuissants face aux plus âgés et ce sera ici l'expérience qui, malheureusement, triomphera. Pour ce qu'il s'agit des tableaux, ils prennent vie devant nos yeux. On suit leurs naissances et leurs évolutions à travers les croquis, les peintures, les tissages de ces derniers. Six tapisseries qui représentent les cinq sens de l'être humain et un sixième sens nommé A mon seul désir. Chaque sens possède son histoire et chaque détail n'est pas en reste. L'imagination de Chevalier n'a pas de limite et c'est d'autant plus troublant que son récit prend une tournure des plus plausibles. On ne pourra pas ne plus penser à cet univers magique qu'elle a su créer en regardant les dites-tapisseries.
Sur fond d'amours contrariés, de jalousies éparses, de trahisons et de scandales, de multiples labeurs et de souffrances, La Dame à la Licorne est une belle tapisserie à elle-même, reconstituant le XVe siècle français avec beaucoup de précision. On sent la documentation derrière qui fut indispensable pour apporter de la véracité et le résultat est là. Toujours déçu par ce que j'appelle dorénavant le syndrome Chevalier (du fait que ses romans soient toujours trop courts), on ferme le livre, la dernière page lue, l'esprit quelque peu éclairé. Autant de soin apporté pour une oeuvre ne peut que nous rendre béat devant un auteur à surveiller de très près.

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