mardi 12 août 2008

Le fabuleux destin d'Amélie Poulain - critique -

Amélie, une jeune serveuse dans un bar de Montmartre, passe son temps à observer les gens et à laisser son imagination divaguer. Et puis un jour, elle s'est fixé un but : faire le bien de ceux qui l'entourent. Elle invente alors des stratagèmes pour intervenir incognito dans leur existence.
Et c'est ainsi qu'est donné le ton ! Le scénario, qui aurait pu être d'une platitude totale, se révèle être un coup de génie dans les mains de Jean-Pierre Jeunet. Ce véritable magicien des images a réussi, grâce à Amélie, de montrer que dans chaque geste du quotidien, on peut y détecter de la féerie à condition de raviver la flamme qui s'éteint petit à petit dans nos coeurs et nos esprits. Amélie, c'est un peu Marraine la bonne fée. Non contente de se sentir banale, elle transforme sa banalité en une banalité extraordinaire. Elle réussit ce que toute personne en ce monde est à même de pouvoir faire : aider son prochain. Moraliste et philosophe, Jeunet se révèle ainsi brillant. Il donne à chaque image et à chaque scène une puissance magique et émotive incommensurable car on est ému par les vies de chaque personnage alors qu'elles leur appartiennent dans leur intimité la plus profonde (l'enfance de Bretodeau, le mari de Madeleine...). La voix -off d'André Dussolier, en plus de démontrer toute sa très bonne capacité à bien conter, rajoute une touche magique dans ce tableau enchanteur où le quotidien devient magnifique pour qui sait l'embellir.
L'inconvénient que l'on pourrait à la limite ressentir dans Amélie, c'est que Jeunet joue la carte à double tranchant. En effet, le film, véritable peinture naïve sur image, ne montre plus qu'il ne démontre, le tout dans une fraîcheur qui respire le bon Paris d'antan et dans une candicité grandiloquente. Il n'y aucun touriste ici (seulement des parisiens), l'immeuble est occupé par une concierge et veuve éplorée, Amélie a son petit chat et arrose ses petits bacs de plantes sur son balcon... Bref, c'est un vrai Montmartre des années 50, un Paris de cartes postales où l'on ne prend que le meilleur (des rues impeccables, un métro reluisant...), où les couleurs font bon train et où la joie de vivre se ressent à chaque coin de rue. On aime ou on aime pas.
La Jeunet-touch s'étale donc à l'écran comme du beurre. Pour celui qui connaît et qui a vu la filmographie du réalisateur, on reconnaît d'emblée sa personnalité qu'il a su imposer au fil de ses deux heures de film. La photographie est remarquable et toutes les scènes qui nous imposent toute une ribambelle de personnages en tout genre, s'enchaînent remarquablement. Inventif dans une certaine démesure, Jeunet réussit donc son pari de remplir de joie le spectateur tout sourire en sortant de la salle, ce qui n'est pas rien... Les acteurs crèvent l'écran entre les minauderies d'Audrey Tautou (qui campe ici le rôle de sa vie, à la fois craquante et délicieuse) et la malice de Matthew Kassovitz. Yann Tiersen parsème sa musique dans le film comme du parfum : on respire l'odeur de ses notes et on se ballade main dans la main avec Amélie jusque dans ses péripéties.
Au final, il est pratiquement impossible de résumer Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, à ne pas regardez en tant que film mais en tant que dessert où l'odeur caramélisé d'une crême brûlée ne vous aura jamais autant ouvert la fenêtre sucrée de votre appétit. Sublime équilibre entre le conte et le non-conte, le réalisme et le surréalisme, Jean-Pierre Jeunet signe ici une oeuvre presque parfaite et démente qui s'impose dans la cinématographie comme l'un des plus beaux films du début de ce XXIème siècle. La connivence qui s'établit entre le spectateur et Amélie est à la fois personnelle et universelle. Personnelle car on lui sourit de bon coeur quand elle nous clin-d'oeil, et universelle car chacune de ses bonnes actions nous remplit d'allégresse et nous donnerait presque l'envie de s'embrasser en sortant de la salle. Happés par cet exceptionnel élan de générosité, Jeunet nous a bien prouvé (et bluffé !) que dans chacun de nos gestes les plus insignifiants qui soient, se cache toujours une magie qui ne demande qu'à être révélé au grand jour pour transformer la morosité qui remplit nos vies en moments plus heureux. Respect.

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